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A l'heure des communicants
À l’heure des communicants, le petit peuple est content quand il peut prendre sans rien apporter. Puisque l'heure est à l’égoïsme, au cynisme. Puisqu’il aime tant, le petit peuple, son nombrilisme, confondant multinationale et artisanat dans sa petite guerre régionale. Petit peuple attaché à ton journal : vol, viol, scandale, sens immoral, amoral où le règne de la cruauté d’un vaut mieux que celle de millions. Petit peuple content, content du rien du tout qui l’entoure, où vivre c’est l’opinion des gens, où vivre c’est le paraître comme des images publicitaires, comme ce que l’on nous vend, comme des standards où l’on fonce droit dedans. Là où le droit de paraître a pris le pas sur le droit de l’être, où le droit est devenu le devoir, l’absolue priorité pour se faire plaire.
Petit pantin si manipulé, où est donc ta faculté de penser ? Puisque tu aimes à ce point être si bien ordonné. Tu es toi, petit peuple de l’illusion, petit peuple de la soumission, petit peuple qui aime tant faire ta petite minute de silence pour un jour dans ta conscience. Oui, ta petite conscience qui te fait verser ta petite larme dans des petits faits divers qu’on veut bien te conter. Le petit peuple, il aime bien ça, faut croire. Suffit de regarder l’audience. Journal télé : un million de téléspectateurs qui se rincent la gorge dans cette pauvre toute petite Belgique. Un million de spectateurs du tragique, de la mort, du fric, pour une seule chaîne. Elle est pas belle, cette image, pour qui la remarque, les chaînes… celles qui nous tiennent dans ce grand rien, dans ce grand n’importe quoi que vous appelez réalité. Voyez cela, qu’avez-vous fait du Malawi, du Congo, du Rwanda, de l’Afghanistan, de l’Irak, de l’Éthiopie, de l’Arménie, de Srebrenica, et j’en passe. Génocide interethnique, génocide national, génocide religieux. Ah, oui, la nation, la religion, petit peuple qui aime tant sa domination.
L’esclavagisme du temps passé n’a fait que muter. La dictature n’a jamais arrêté de marcher. Consommateurs de ce monde, esclaves des temps modernes, vos droits vous sont retirés, vos pensées apprivoisées. Crois-tu encore marcher ? Ne sens-tu pas la laisse et le collier ? Ne sens-tu pas ta liberté condamnée ? Toi petit peuple, tu t’es toi-même oxydé à force de te traire, à force de paraître, à force de n’être que ce jouet errant dans l’instabilité de nos dirigeants. Mais oui, après tout, garde le sourire, dans ton petit confort qui sublime tes sens, dans ce non-sens qui fait ton essence.
Que tu es triste à mourir devant ton irréalité bercée de téléréalité. Qui pour deux euros sauvera une personne dans le besoin ? Qui dans la rue s’arrêtera pour offrir un pain, un repas, un café ou juste un sourire ? Sourire que, toi, petit peuple, tu offres gracieusement à un écran articulé. Elle est où, celle que l’on nomme humanité ? Toi qui donnes tes petits euros, planqué dans ton fauteuil pour sauver l’irréalité. La gueule collée sur ton écran, c’est sûr, tu n’as pas besoin de te déplacer. Toi qui ne sais même plus ce que cela veut dire, voyager. Toi qui t’es laissé prendre par ce que l’on nomme normalité. Toi, le lobotomisé. Toi, le gangrené. Toi, l’évolué… l’involué, le prostitué par le goût de son canapé, de la dernière télé, du dernier téléphone, du dernier ordinateur, du dernier du dernier. Toi, aux yeux sublimés par des putains d’images qui te sont imposées… que tu t’es imposées.
Petit peuple de la toile, petit peuple des étoiles, petit peuple du monde, tout a été fait pour te diviser, pour te faire oublier. Rappelle-toi les petites joies de la vie. Le ballon que tu prenais pour aller frapper contre un mur, le vélo que tu prenais pour partir à l’aventure, la flaque d’eau dans laquelle tu jetais tes pieds, le chocolat dans tes souliers, le premier baiser, le temps de la simplicité où tout semblait nous éloigner mais nous avait tellement rapprochés. Rappelle-toi, oui, rappelle-toi ce temps où nous courions après les flocons de neige bouche béante pour tenter d’en attraper, ce temps où nous parlions autrement que par des écrans interposés, autrement que par images entrelacées. Ce temps où nous étions innocents du sang qui coulaient sur nos mains.
Petit peuple du monde, plus je t’écris, plus tu deviens triste, c’est l’eau à mes iris, les océans du temps d’avant. Petit peuple du monde, que tu es triste dans la peine-ombre où tu t’immisces. Peuple buvard qui ne cherche plus à savoir, qui absorbe ses devoirs comme un trou noir dans cette absence de rien remplie de tellement de tes riens. S’agglutinant comme des mouches aux lobbies de la désinformation, de multinationales, du saint patron. Petit peuple buvard, tu les as bien apprises, tes leçons.
Moi, je me souviens de ce temps où je prenais mon ballon pour aller cogner contre un mur, à la même époque maintenant tu sors dans les rues pour casser des voitures. Que tu es beau, petit peuple, dans cette industrie de la mort où tu vas survivre, travailler et mourir. Qu’ils sont beaux tes idéaux dans cette magnificence du rien du tout. Allez, vas-y, souris, petit peuple de rien. Souris au grand néant de cet absolument rien. Terrien, où est donc ta conscience ? Aimes-tu à ce point ta complaisance ? Tu as muré toi-même ton propre silence.
Peuple du rien du tout, du grand n’importe quoi, peuple innocent qui a payé pour cette triste humanité. Peuple martyr, peuple maudit par des traîtrises, par des on-dit. Peuple misère, peuple poussière, peuple jeunesse, il est temps de lever le bras, car du plus mauvais néant peuvent naître des océans. Du plus profond rien que nous sommes, faire de nous des hommes. Peuple de l’immaculé, peuple impeuplé, bien des choses semblent exister, et pourtant… Peuple nanti, peuple immonde, qu’as-tu fait de ton monde ? Petit peuple de ce grand rien du tout. Petit peuple, tu as troqué ta vie pour des supermarchés. Te voilà superbranché, mais n’oublie pas que c’est dans de l’eau potable que tu es en train de chier, de la nourriture que tu es en train de jeter pendant que des millions meurent de ta négligence.
Peuple nationaliste, peuple capitaliste, peuple démocrate, peuple dictature, peuple communiste, il est vraiment bien triste ton monde qui crédite son temps. Tellement triste qu’il ne voit même plus une seconde dans l’éblouissement de ses sens sublimés de l’appauvrissement de son rien. Attaché comme une araignée à sa toile, sa toile bien-aimée, des petites vies exposées au regard de milliers. Tu partages, tu partages, sans sens à cet égard. Tu ressembles à une putain sur son trottoir… Le goût de l’illusoire.
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